“Scénario choc”
“C'est avec les cheveux au vent que Kevin atteint rapidement les 140 km/h dans sa toute
nouvelle Corvette ZR1 modifiée couleur rouge passion. Stacy est là, à ses côtés, les seins
suspendus trop haut, comme deux grosses boucles d'oreilles qui vibrent sous le moteur qui
peut atteindre 800 chevaux. Pistons forgés, gros turbo, carburant haute performance, bref... la
totale! Kevin aperçoit la courbe mortelle devant lui. La veine de son front palpite alors qu'en
inspirant un bon coup, il active la nitro poussant la caisse à 180 km/h. Stacy s'excite et se sent
plaquée sur son banc. Ça sent l'essence et la testostérone!”
Est ce que ça ressemble à ça passer son permis de conduire? Est ce que “Fast and Furious”
c'est l'équivalent d'une ride au dépanneur parce que y’a pu de lait??? Non.
Tout le monde sait que c'est un scénario. Une histoire inventée. Point.
Comme celle que l'ont raconte aux petites filles leur promettant un jour la venue d’un vaillant
prince, idéalement blond, sur un cheval... idéalement blanc. Ce même prince qui retrouvera sa
bien aimée parmi des milliers, avec une simple pantoufle de verre et...un bon GPS.
C'est de la fiction. Ça on le sait. Comment se fait-il alors que certains confondent encore gorge
profonde et plaisir féminin? Linda Lovelace nous a-t-elle vraiment convaincues qu'il y aurait un
clitoris au fond de sa gorge?
“Un clic”
Vous l'aurez compris (malgré les métaphores trop colorées), aujourd'hui, on parle de la
pornographie. Ce monde sans limites auquel tous peuvent avoir accès et ce, peu importe l’âge.
D'ailleurs, en moyenne, 11 ans est l’âge du premier contact avec du contenu pour adultes.
90 % des garçons et 60 % des filles ont été exposés à de la porno avant 18 ans (souvent accidentellement).
En tant que spécialiste de la sexualité qui travaille étroitement avec les jeunes adolescents, on
me pose souvent ce type de questions : « est-ce que je dois cracher ou avaler comme dans les
films? » C'est une question surprenante mais nécessaire quand la pornographie devient
l'éducation sexuelle par défaut.
De 2001 à 2022, le Québec a mis sur pause toute forme d'éducation sexuelle dans les
écoles du Québec. Cela laisse toute une génération dans l'oubli qui a grandi avec une vision crue et déformée de l'intimité.
Leurs parents, Baby boomers pour la plupart, étaient eux-mêmes peu outillés pour prendre le
relais. Beaucoup ont été élevés par des parents religieux, pour qui le plaisir était synonyme de
devoir conjugal, le samedi soir, juste après “La famille Plouffe”. Il fallait donc s'attendre à un
recul important dans le dossier de l'éducation sexuelle au Québec. Un dossier déjà peu
prioritaire à l'époque.
Grâce au porno comme éducation, pour des millions d'hommes et de femmes, c'est un
“doggystyle” sur un bout de comptoir, sans une miette de tendresse, qui devient alors la norme.
Ça prend toute la place :
👉 35 % de tout le trafic internet est lié à la pornographie (eh oui, les chats n’ont pas
gagné)
👉 Selon Pornhub, il y a plus de 115 millions de visiteurs par jour — soit plus que Netflix,
Amazon et Twitter combinés
👉 L’industrie du porno rapporte des milliards chaque année (les estimations tournent
autour de 97 à 100 milliards $ US/an à l’échelle mondiale)
On pourrait penser que le trio de x mène le monde mais pourtant, les profits sont loin de ceux
générés par :
1️⃣L’industrie de la technologie (Apple,Microsoft, Google, etc.
2️⃣Le pétrole et l’énergie
3️⃣L'industrie pharmaceutique
Néanmoins, si la porno était un pays, ce serait plus peuplé que la Russie, chaque jour,
littéralement.
“Impacts”
Les impacts sur la sexualité sont difficiles à mesurer mais évidents :
Un consommateur sur 10 développe une utilisation problématique (difficulté à réduire, isolement, impact sur la vie quotidienne).
Si tu regardes Kevin et sa nitro tous les jours, l'idée de conduire la vieille Camry de ton
grand-père jusqu'au “petshop” ne va pas te rendre heureux. Tu auras automatiquement des
attentes beaucoup plus élevées. Les attentes envers toi-même seront déformées mais
également les attentes envers ton partenaire.
Le jeune homme ne va pas comprendre pourquoi la jeune femme n'a pas envie de se faire tirer
les cheveux et la jeune femme ne va pas comprendre pourquoi elle ne ressent pas du plaisir
lorsqu'on lui tire les cheveux.
Il est là le problème : le XXX redéfinit le plaisir en fonction du visuel seulement. C'est superficiel... vicieusement trop parfait!
On sait très bien, que sur les tournages de films pour adultes :
👉 Les acteurs ont recours à des injections d'anesthésiant locaux à même la verge, pour
donner l'impression d'un plaisir vraiment infini...
👉 Pourtant on sait très bien que la durée moyenne d'une pénétration “standard” est de
3:33 min ou l'équivalent d'une chanson!
Tout ce que vous y voyez est faux : des expressions faciales, aux éjaculations spectaculaires
jusqu'aux longueurs de prises. Chaque scène est un montage de petits “succès” qui au final
donne l'impression d'une baise endiablée de 30 minutes. C'est truqué, comme le moteur de la
Corvette de Kevin!
“La perfection”
Les femmes dans les films xxx jouissent du début à la fin, sans nuances, comme si elles
recevaient la visite de David Copperfield et ses trois ou quatre colombes entre les cuisses! Elles
ont les jambes aussi longues que l'autoroute Henri 4, des seins en marbre et les messieurs ont
tous un service trois pièces digne de l'ère jurassique! Il y a de quoi déformer légèrement les
attentes et forcer la comparaison ici. Tout ça amène rapidement :
👉 Anxiété de performance chez le garçon - “Je veux durer longtemps....trop longtemps.
Je veux être une machine et j'oublie que l'important c'est pas le rythme mais la
connexion derrière l'acte”
👉 Baisse de désir sexuel chez la jeune fille - “Je ne comprends pas pourquoi je ne jouis
pas, je ne connais pas mon corps et surtout je ne l'aime pas!”
👉 Difficultés dans le couple - “Les attentes sont différentes et provoquent des tensions,
voire un manque de confiance qui peut mener à une panne sexuelle si le problème n'est
pas géré”
Penses-y! Écouter “Top Chef” toute la journée, va te faire regarder ton omelette au jambon d'une autre façon. Pourtant tu adores les omelettes au jambon!
Il te faut faire la différence entre le “vrai” du “faux”. “L’essentiel” du “superflu”. Le “scénario” de la
“réalité”. Si vous en êtes capable alors la porno peut devenir un outil précieux qui devrait faire
partie de tout coffre de l'amour! Nous y reviendrons plus tard.
“L'enfer du décor”
En plus d'être dangereux pour l'estime de soi et la vie intime, consommer de la pornographie
sur une base régulière encourage une industrie basée sur l'exploitation féminine :
👉 La caméra se concentre presque toujours sur ce qui stimule visuellement l’homme,
pas sur ce qui procure réellement du plaisir à la femme
👉 Les actrices sont généralement moins payées que leurs collègues masculins pour
les mêmes scènes, surtout dans les débuts de leur carrière
👉 Elles subissent une forte pression à accepter des pratiques plus extrêmes (double
pénétration, sodomie, gangbang) pour rester compétitives ce qui cause des dommages
internes
Le saviez- vous? L'appareil reproducteur féminin est une fleur, pas un récipient de métal
aseptisé! Il est souvent endommagé par les actes sexuels plus extrêmes qui ont lieu sur les plateaux de tournage.
👉 Les scénarios classiques montrent la femme comme passive, soumise, toujours
disponible et insatiable
👉 On retrouve souvent des clichés de domination, où la femme est réduite à un rôle
d’“objet sexuel” destiné à satisfaire l’homme
“Oui...ou non?”
La porno mainstream regorge de scénarios où la femme est « forcée »... ce qui contribue à
nourrir et normaliser ce type de fantasmes.
Le fantasme de viol (qu’on appelle souvent « fantasme de soumission » ou « de contrainte »)
est beaucoup plus répandu qu’on le croit :
● 20 % des hommes
● 30 à 60 % des femmes
Affirment avoir déjà ressenti ce désir qu'on s'explique difficilement.
Dans la réalité, personne ne veut subir un viol. Dans le fantasme, c’est le contrôle de
l’imaginaire qui est excitant. Il arrive même que des victimes de viol ou d'acte de violence sexuelle prennent du plaisir durant l'agression.
N'oublions pas que le désir c'est une réponse biologique qu'on ne contrôle pas! Mais...
Pourquoi ce fantasme est-il si populaire?
1️⃣La déresponsabilisation du désir :
Dans le fantasme, la personne « soumise » n’a rien choisi : elle peut donc vivre un
plaisir sexuel sans culpabilité.
2️⃣La recherche d’intensité :
Le viol est associé à la violence, la transgression et l’interdit. Ça nous ramène à notre
côté “sauvage” ou “animal”. Ça rend le fantasme plus fort et chargé émotionnellement.
3️⃣Le pouvoir et le contrôle :
Pour certains, fantasmer le viol permet d’explorer des dynamiques de
domination/soumission sans danger réel. Dans la vie sexuelle, ça peut donner lieu à des
jeux de rôle consentis (aussi appelé “rape play”).
Difficile de comprendre? C'est simple pourtant :
C’est comme aimer regarder des films d’horreur : tu veux avoir peur en sécurité dans ton salon, pas vivre une vraie attaque de zombies!
Le moteur, c’est l’imaginaire de perte de contrôle, pas la souffrance réelle.
“Les bons outils!”
Évidement toute scène érotique ou sexuelle n'est pas de la mauvaise porno! Au contraire!
Le visuel d'une relation sexuelle peut être un outil positif pour le couple, si elle est utilisée
consciemment et avec communication.
Évidemment, ce visuel doit plaire aux deux partenaires. Vous ne manquerez certainement pas
de choix! En 2025, il y en a pour tous les goûts et il vous faudra explorer dans la complicité.
C'est même une “prescription” que je laisse à plusieurs couples qui franchissent le seuil de ma
porte : “introduire les samedis XXX”. C'est un outil comme un autre pour :
1️⃣Stimuler le désir :
Regarder de la porno ensemble peut agir comme un préliminaire visuel. Ça peut donner
un petit boost d’excitation quand la routine sexuelle s’installe.
2️⃣Explorer de nouveaux fantasmes :
Ça permet de mettre des images sur des envies ou curiosités difficiles à exprimer
verbalement.
Exemple : un partenaire veut tester le BDSM, mais ne sait pas comment en parler regarder une
scène ensemble peut servir de déclencheur de discussion.
3️⃣Briser les tabous :
La porno peut aider à dédramatiser certains sujets : pratiques sexuelles, diversité
corporelle, bisexualité... Ça ouvre la porte à des conversations honnêtes : « Ça t’excite,
toi aussi? », « Qu’est-ce qui te déplaît? ».
4️⃣Inspirer la créativité :
Elle donne des idées de positions, de scénarios ou de jeux de rôle. Même si tout n’est
pas réaliste, ça nourrit l’imaginaire érotique du couple.
Au final, la porno en couple, c’est comme une recette sur YouTube : Tu regardes, tu ris
un peu, tu t’inspires... mais tu sais très bien que ton plat (ou ta position acrobatique) ne ressemblera jamais à l’original! Et c'est bon pareil!
“Attention aux pièges”
ll n'existe pas de bon ou de mauvais porno. Il existe du porno éthique par contre. Souvent en
lien avec la pornographie dites “féminine”, elle est pensée pour et créée par les femmes. Ça
vous plaît moins?
Alors voici quelques critères de sélection :
👉 Éviter la porno trop violente ou stéréotypée qui pourrait créer des attentes irréalistes
👉 Privilégier celle qui montre le plaisir partagé, le respect et la complicité
Mais Mlle V, mis à part le désir de regarder des chèvres copuler en permanence, quel est le
signe que ça va trop loin? Quand ce n'est plus un simple divertissement et que ça devient une
obligation, un pré requis à l'érection et au désir, faites demi-tour!
Ce qu'il faut garder en tête c'est que, comme le McDo du vendredi, le porno va pas nuire s'il
reste occasionnel. Une porno qui fait partie du quotidien aura le même effet qu'un Big Mac
lundi, mardi, mercredi et jeudi : c'est juste trop d'action au niveau des fesses!
Il faut garder un équilibre en ajoutant des légumes... dans votre diète bien sûr et non dans votre vie sexuelle! Il y a de bien meilleurs choix destiné au plaisir dans les boutiques au 7ième ciel. Vous n'aurez même pas besoin de trempette! 🍆
Alors aimez vous les amis! En photos, en vidéo, à deux, trois ou bien plus. Emboitez vous avec
respect, avec liberté et curiosité. Aimez-vous jusqu'à demain ou jusqu'à plus loin. Parce que
votre imaginaire vous conduira toujours au- delà de ces trois lettres : XXX. Au-delà de Kevin et
sa belle grosse corvette.
MLLE V – Conseillère en Sexologie
mllev.com

